John F. Kennedy et les démocrates ont-ils volé les élections de 1960 ?

Ce qui est surprenant dans cette accumulation – cette augmentation des enjeux et le lancement de gantelets – c’est que la «campagne du siècle» est en grande partie une approche conventionnelle et favorable à Nixon de la course. Les livres de ce genre sont certes moins nombreux que les livres des partisans de Kennedy, mais celui de Gellman n’est pas le seul sur l’étagère. Nixon a toujours eu ses défenseurs (y compris, et non des moindres, Nixon lui-même) et Kennedy ses détracteurs. White, d’ailleurs, a été mis à part pendant des décennies par des érudits de tous bords. Lorsque Gellman écrit que l’opération de Kennedy était « bien plus corrompue et impitoyable qu’on ne l’a présenté » et celle de Nixon « bien plus propre », c’est moins une révélation qu’une forme de manipulation familière.

En effet, le pouce de Gellman est fermement sur la balance – ou dans l’œil de Kennedy. Dès les premières pages du livre, Kennedy est cynique et insensible, le fils sans scrupules d’un père sans scrupules. Gellman s’efforce d’établir que Kennedy n’était pas un père de famille mais un coureur de jupons, qu’il n’était pas en bonne santé mais qu’il était entravé par la maladie d’Addison et des problèmes de dos, et que les médias d’information – abasourdis par «la jeunesse de Kennedy, son sourire», sa femme séduisante et son enfant – ont tout négligé avec impatience. Bien sûr, les infidélités et les problèmes de santé de Kennedy sont connus depuis longtemps, tout comme les mœurs de la presse du milieu du siècle ; même les biographies favorables en tiennent compte. Gellman n’ajoute ici rien d’autre qu’une nouvelle indignation. À la fois dans le ton et dans le contenu, sa caricature de Kennedy fait écho à des travaux à succès comme « John F. Kennedy : Qu’y a-t-il derrière l’image ? » de Victor Lasky, qui a été agrafé à la veille de l’élection et distribué par le Parti républicain.

Nixon, en revanche, « n’a eu aucune aventure sexuelle et aucun problème de santé à long terme ». Et pendant qu’il l’était, admet Gellman, capable d’une attaque parfois vicieuse, il est présenté ici comme une victime – principalement d’un corps de presse rempli de haine qui le dépeint sans relâche « sous le pire jour possible ». Il y a une part de vérité dans cette image : Nixon a provoqué (et renvoyé) une sorte particulière de dégoût parmi les journalistes libéraux, même lorsqu’il était sur son meilleur comportement – comme il l’était généralement en 1960, une année où il a renoncé à la voie basse dans le poursuite de hautes fonctions. Injustice, oui, mais le livre ne montre pas qu’il a fait une différence en novembre. En fait, le parti pris, comme le note Gellman au passage, allait dans les deux sens : Nixon était approuvé par une écrasante majorité de quotidiens – parmi eux, les chaînes Hearst et Scripps Howard – et l’empire éditorial d’Henry Luce.

En tant que récit politique, « Campaign of the Century » manque étrangement de politique et de récit. Il enregistre consciencieusement les affrontements des candidats mais offre peu de contexte pour leurs désaccords. Le livre ne parvient pas à expliquer, par exemple, où se situe la distinction entre l’anticommunisme de Nixon et celui de Kennedy, ou entre leurs plateformes sur les droits civils. Il n’y a d’ailleurs aucune analyse de la position de Nixon dans la brèche grandissante entre Nelson Rockefeller, à gauche du Parti républicain, et Barry Goldwater à droite. Gellman place son homme au milieu, mais ne donne aucune idée de savoir si cette modération était idéologique ou tactique. Tout reste embrouillé tandis que l’auteur se précipite à la poursuite des historiens qui ont surmédiatisé la performance de Kennedy dans les débats télévisés.

Mais la baleine blanche ici est la preuve d’une élection volée. Ce livre ne le fournit pas. Le cas qu’il présente est circonstanciel – et n’a rien de nouveau. On parle beaucoup de « suspicions » au Texas et d' »irrégularités » dans l’Illinois, comme si de telles accusations étaient, en elles-mêmes, déterminantes. Dans le sillage de 2020, nous devrions savoir mieux que cela. Il en va de même pour un historien politique du milieu du XXe siècle : si la fraude était une caractéristique des élections à cette époque, les accusations de fraude l’étaient aussi, brandies comme un gourdin politique. En 1948, par exemple, un haut responsable républicain a accusé trois candidats démocrates au Sénat de fraude électorale « grave » – ​​plus d’une semaine avant le jour du scrutin. Quatre ans plus tard, de manière préventive encore une fois, le président du Comité national républicain a appelé les procureurs fédéraux à surveiller les démocrates des grandes villes – qui, a-t-il dit, ne reculeraient devant rien pour « voler » les élections.

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