samedi, novembre 30, 2024

La loterie par Shirley Jackson

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Science imitant l’art

L’histoire de Jackson a été publiée en 1948. À l’époque, et depuis, elle a été saluée comme perspicace et critiquée comme obscure. Mais près de 20 ans plus tard, le philosophe français René Girard a produit une théorie qui a une congruence remarquable avec son thème et, je pense, fournit la meilleure explication de ce que Jackson voulait en venir dans La loterie.

Girard a soutenu que nos désirs individuels ne sont jamais le produit d’un désir intérieur, mais toujours plutôt de l’imitation des autres. Nous

Science imitant l’art

L’histoire de Jackson a été publiée en 1948. À l’époque, et depuis, elle a été saluée comme perspicace et critiquée comme obscure. Mais près de 20 ans plus tard, le philosophe français René Girard a produit une théorie qui a une congruence remarquable avec son thème et, je pense, fournit la meilleure explication de ce que Jackson voulait en venir dans La loterie.

Girard a soutenu que nos désirs individuels ne sont jamais le produit d’un désir intérieur, mais toujours plutôt de l’imitation des autres. Nous voulons ce que les autres veulent. C’est ce qu’il a appelé le « désir mimétique » et Girard a ensuite exploré les implications de cette intuition pour le demi-siècle suivant.

Le désir mimétique, selon Girard, a une trajectoire prévisible qui est familière aux publicitaires du monde entier. Une personne veut ce qu’une autre a, simplement parce que l’autre l’a. Cela attire le désir des autres dans une sorte de vague exponentielle de désir.

Mais le manque généralisé de quoi que ce soit signifie d’abord une pénurie de cette marchandise, et par conséquent l’antagonisme mutuel de tous ceux qui partagent le même désir. L’affirmation de Girard est que cette hostilité naissante menace de créer une sorte de monde hobbesien, une non-société, dans laquelle aucune action coopérative ou coordonnée, y compris un gouvernement efficace, ne peut être établie.

L’être humain, croyait Girard, gère inconsciemment et instinctivement cette situation par le mécanisme du « bouc émissaire », par lequel un groupe identifie l’un de ses propres membres comme la cause de sa tension mimétique. Cet individu est à la fois sacré et objet de haine communautaire. L’élimination de cet individu n’est donc pas seulement nécessaire au bien-être de la communauté, mais constitue également la base d’une pratique religieuse dans laquelle le rôle de bouc émissaire se transforme en un noble devoir.

Girard va encore plus loin dans ses travaux ultérieurs en affirmant que l’établissement rituel du bouc émissaire est la forme la plus primitive de représentation, et par conséquent de langage, que les êtres humains aient démontrée. Dans un sens, le fondement essentiel du pouvoir humain dans le monde est la violence religieuse qui victimise des membres ou des groupes aléatoires dans la société moderne.

Que l’on soit ou non d’accord avec l’anthropologie de Girard, et il existe un corpus substantiel de preuves pour le recommander, son utilité littéraire est démontrée par l’application de sa théorie à La loterie. La théorie explique, entre autres, le caractère liturgique du récit ; ses origines dans un passé lointain ; sa pertinence particulière pour une communauté agricole relativement isolée; et sa connexion à une hiérarchie paternaliste dont l’existence continue dépend du rituel.

Autant que je sache, Girard n’a pas lu La loterie; mais puisqu’il était en Amérique à l’époque, il aurait pu le faire. En tout cas, il est certainement remarquable qu’un auteur de fiction comme Jackson ait pu écrire une histoire courte aussi serrée qui capture autant de travaux universitaires ultérieurs. Démontrant ainsi, s’il en était besoin, l’immense importance de la fiction dans la vie culturelle.

Pour une introduction au travail de Girard voir : https://www.goodreads.com/review/show…

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