Des chercheurs explorent les archives historiques de la Transylvanie pour reconstituer le climat du 16ème siècle, période marquée par le Petit Âge Glaciaire. Leur étude révèle des conditions climatiques extrêmes, avec des sécheresses suivies de pluies abondantes, impactant la vie quotidienne et provoquant des famines. Ces travaux soulignent l’importance de comprendre les effets du climat sur les sociétés passées pour mieux anticiper les conséquences des événements climatiques extrêmes dans le contexte actuel de changement climatique.
Exploration des Archives Climatiques de la Transylvanie
« Cher journal, il faisait froid dehors aujourd’hui… » Si une telle phrase était écrite dans un journal contemporain, elle passerait probablement inaperçue. Mais que se passerait-il si, dans 500 ans, des scientifiques s’appuyaient sur cette simple entrée pour élucider des mystères climatiques ?
Des chercheurs ont entrepris cette tâche fascinante, en examinant des journaux et d’autres documents historiques pour reconstituer le climat de la Transylvanie au 16ème siècle, une région de la Roumanie actuelle. Leur étude, publiée le 12 février dans Frontiers in Climate, révèle comment une période de refroidissement connue sous le nom de Petit Âge Glaciaire a pu influencer la vie des habitants de la région.
Une Nouvelle Perspective sur le Petit Âge Glaciaire
Alors que des études antérieures ont utilisé des données telles que le pollen et les sédiments pour analyser les changements climatiques, Tudor Caciora, un climatologue de l’Université d’Oradea en Roumanie, et son équipe ont choisi de se concentrer sur le ressenti des gens à l’époque. Le Petit Âge Glaciaire, qui s’est étendu du 14ème au milieu du 19ème siècle, a entraîné une baisse des températures, avec une diminution moyenne de 0,5 degré Celsius en Europe à partir de 1560.
De nombreuses recherches ont documenté les effets de ce phénomène en Europe de l’Ouest, mais les informations concernant l’Est du continent étaient rares. C’est pourquoi les archives de la Transylvanie ont représenté une opportunité précieuse. L’équipe de Caciora a plongé dans des journaux, des chroniques et d’autres documents des années 1500, cherchant des indices sur les conditions climatiques locales.
Les textes, souvent rédigés à la main dans des langues variées telles que le hongrois, le turc et le latin, ne se prêtaient pas à une recherche par mots-clés. Les chercheurs ont donc dû lire attentivement chaque document, même ceux qui ne mentionnaient que peu de détails météorologiques. Par exemple, un passage évoquant de fortes pluies lors d’un siège décrit une rivière débordante dans la ville, rendant le passage impossible pendant des heures.
Les résultats montrent une Transylvanie du 16ème siècle caractérisée par une chaleur intense et des sécheresses au début du siècle, suivies par des pluies abondantes. Les récits vivants découvertes soulignent comment le climat a pu influencer des calamités telles que les famines, les invasions de criquets et les épidémies.
Un récit poignant décrit une famine survenue à l’été 1534, causée par une sécheresse sévère, où les gens étaient si affamés qu’ils en perdaient la raison, se contentant de manger des herbes, de l’écorce et même de la chair en décomposition. Les corps retrouvés étaient décrits comme ayant encore de l’herbe dans la bouche.
Les observations de chaleur tout au long du siècle amènent l’équipe à suggérer que le Petit Âge Glaciaire a pu être retardé dans cette région par rapport à l’Europe de l’Ouest.
Au-delà d’améliorer notre compréhension de l’impact du Petit Âge Glaciaire sur les populations passées, les travaux de Caciora pourraient également éclairer les conséquences des événements climatiques extrêmes sur les sociétés d’aujourd’hui, déjà confrontées au changement climatique. « Imaginez les répercussions d’un phénomène semblable dans un climat moyen déjà plus chaud de 2 degrés », déclare Ulrich Foelsche, climatologue à l’Université de Graz en Autriche. « Ces études sur les climats passés sont essentielles pour appréhender la variabilité climatique et les événements extrêmes, afin de mieux anticiper ce qui pourrait se produire à l’avenir. »