lundi, février 3, 2025

Dopage partiel : Vers une légalisation limitée de certaines substances illicites ?

Le système de lutte contre le dopage fait face à des défis croissants, malgré des avancées technologiques significatives dans la détection des substances interdites. Les débats se concentrent sur la gestion des faibles concentrations, souvent interprétées comme contaminations involontaires. L’AMA envisage des réformes qui pourraient changer les règles actuelles, tandis que des acteurs du sport s’inquiètent des implications d’une telle évolution, craignant une banalisation du dopage et une perte de confiance dans le système.

Jamais auparavant les agents de lutte contre le dopage n’avaient eu un arsenal aussi impressionnant qu’aujourd’hui. Cependant, la nature de leur travail suscite plus de controverses que jamais.

Une des raisons fondamentales de cette évolution est paradoxale : les techniques de détection se sont considérablement perfectionnées. Actuellement, les laboratoires sont capables d’identifier des traces de substances prohibées dans des échantillons de sang ou d’urine. Toutefois, la question des faibles concentrations reste particulièrement débattue : s’agit-il de dopage avéré ou simplement d’une contamination par un aliment, un médicament ou même un contact fortuit ?

Le dilemme des preuves floues

Face à des éléments peu concluants, les défenseurs d’un sport sans dopage sont souvent confrontés à un dilemme délicat. Si l’Agence mondiale antidopage (AMA) décide de laisser des athlètes accusés sans sanctions, elle risque une crise de réputation. Par exemple, en 2021, 23 nageurs chinois ont été testés positifs au Trimetazidine, mais leur fédération nationale a déclaré que les résultats étaient le fruit de problèmes dans une cuisine d’hôtel. L’AMA a alors choisi de ne pas contester cette décision, déclenchant ainsi une vague d’indignation.

Il est tout aussi complexe de réclamer des sanctions face à des doutes. Trop de supporters préfèrent croire leurs idoles plutôt que les régulateurs, même lorsque des preuves accablantes sont présentées. L’AMA a ainsi contesté la décision en faveur du joueur de tennis Jannik Sinner devant le Tribunal arbitral du sport (TAS). Son explication pour ses tests positifs à de faibles quantités de Clostebol, un anabolisant, était liée à un spray utilisé par son physiothérapeute. Si Sinner est sanctionné après les audiences prévues en avril 2025, il est fort probable qu’une partie importante du public le considère encore comme une victime plutôt que comme un tricheur.

Les évolutions réglementaires en cours

Dans l’ombre des critiques, les acteurs principaux du système antidopage travaillent à des réformes significatives. En décembre, l’AMA prévoit d’adopter un nouveau règlement, qui devrait entrer en vigueur en janvier 2027. Cette réforme pourrait bouleverser le système actuel.

Actuellement, l’AMA étudie plus de 1800 propositions d’unités nationales antidopage, dont une provenant de l’agence suédoise ADSE. Cette dernière propose que les laboratoires ne communiquent des résultats qu’à partir de concentrations d’un nanogramme par millilitre, laissant ainsi de côté les faibles concentrations. Selon leur justifications, de tels résultats sont souvent le fruit d’une contamination involontaire, difficile à éviter pour les athlètes.

ADSE argue que ces cas requièrent des ressources considérables et que les fonds seraient mieux investis dans d’autres initiatives antidopage. Les procédures en cours nuisent à la confiance dans le système, plutôt que de la renforcer.

Ce changement de règle pourrait être révolutionnaire. De nombreux cas médiatisés récents n’auraient pas été poursuivis. Par exemple, le numéro un mondial du tennis, Sinner, a été trouvé avec Clostebol à des niveaux de 76 et 86 picogrammes par millilitre. Pour Iga Swiatek, il s’agissait seulement de 50 picogrammes de Trimetazidine, tandis que le vététiste suisse Mathias Flückiger a été acquitté pour 300 picogrammes de Zéranol. Si l’approche suédoise est adoptée, le public ne sera plus informé de ce type de résultats à l’avenir.

Ernst König, directeur de Swiss Sport Integrity (SSI), a exprimé des réserves concernant cette proposition. Selon lui, cela annulerait les avancées scientifiques. Il souligne l’importance d’examiner de près les faibles concentrations, en raison de l’usage croissant de microdosages parmi les athlètes. De nombreuses substances ne sont détectables que peu de temps après leur consommation, rendant la question encore plus complexe.

Avec une limite d’un nanogramme par millilitre, on risque d’encourager les athlètes à recourir à des microdosages, rendant le dopage plus insidieux. Ce changement de règle pourrait même s’apparenter à une forme de libéralisation du dopage.

Il reste à voir si la proposition suédoise sera adoptée. Les modifications des règlements sont encore en discussion, selon un porte-parole de l’AMA. König suggère qu’il serait préférable de différencier les substances plutôt que d’imposer une limite générale. Pour de nombreux cas, les contaminations peuvent être exclues, selon lui.

Quoi qu’il en soit, un renforcement des droits des athlètes accusés semble imminent. Une version préliminaire des nouveaux règlements envisage d’élargir les causes possibles de résultats positifs, en mentionnant non seulement les « produits contaminés », mais aussi des « sources contaminées » comme la viande ou d’autres aliments.

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