La Maha Kumbh Mela attire des millions de pèlerins à Prayagraj, avec plus de 400 millions de visiteurs attendus. Le gouvernement indien a investi massivement pour assurer la sécurité et l’infrastructure. Cet événement religieux, qui se produit tous les douze ans, est l’occasion de rituels de purification dans les rivières sacrées. En plus de sa dimension spirituelle, il revêt des enjeux politiques, notamment pour le parti au pouvoir, le BJP, qui y voit une opportunité de promouvoir l’hindouisme.
Les dimensions de la Maha Kumbh Mela sont tout simplement colossales : lors de son inauguration officielle, plus de six millions de personnes ont bravé des températures glaciales pour participer à la baignade rituelle dans le Gange. Au cours des six prochaines semaines, les autorités indiennes anticipent l’arrivée de plus de 400 millions de visiteurs à Prayagraj. C’est la première célébration de cet ampleur sous le gouvernement du Premier ministre Narendra Modi, qui est déterminé à assurer son succès.
Le gouvernement a investi des ressources sans précédent pour garantir le bon déroulement de cet événement. Près de 70 milliards de roupies (environ 742 millions de francs) ont été mobilisées par l’État de l’Uttar Pradesh, dirigé par le parti Bharatiya Janata de Modi (BJP), pour améliorer l’infrastructure et les mesures de sécurité. Les chemins de fer indiens, avec 13 000 trains à disposition pour les pèlerins, ont également alloué 50 milliards de roupies pour moderniser les lignes et les gares.
À Prayagraj, là où la Yamuna et le Gange se rencontrent, de vastes villes de tentes ont été aménagées sur les rives des fleuves. Les options d’hébergement varient de simples dortoirs à des suites luxueuses coûtant plus de 100 000 roupies (1050 francs) par nuit. Pour les hôteliers, les vendeurs de nourriture et les loueurs de bateaux, cet événement représente une opportunité économique exceptionnelle, avec des prévisions de chiffre d’affaires atteignant 250 milliards de roupies d’ici la fin de la fête le 26 février.
Un chemin vers la purification des péchés
La Maha Kumbh Mela se tient tous les douze ans dans quatre villes : Haridwar, Ujjain, Nashik et Prayagraj, anciennement connue sous le nom d’Allahabad jusqu’en 2018. Une version plus réduite de ce festival a lieu tous les trois ans. Le calendrier de la Kumbh Mela est déterminé par les positions des constellations et des planètes. Cet événement se déroule toujours sur les rives du Gange et d’autres rivières vénérées par les hindous. Guidés par des sages appelés Sadhus, les participants se baignent dans les eaux sacrées pour se purifier de leurs péchés.
Les origines de la Kumbh Mela sont teintées de mystère. Selon la légende, lors d’une bataille entre dieux et démons, quatre gouttes du nectar d’immortalité tombèrent sur terre d’une jarre (« kumbh ») – le site de la Kumbh Mela d’aujourd’hui. De nombreux hindous croient que cette célébration a toujours existé, se basant sur les écritures anciennes des Vedas et des Puranas, bien qu’aucune mention de la fête n’apparaisse dans ces textes.
Bien que le moine et voyageur chinois Xuanzang ait décrit, au VIIe siècle, un grand festival sur les rives du Gange à Prayagraj, il est débattu de savoir s’il s’agissait de la Kumbh Mela. Ce n’est qu’au XVIIe siècle qu’un écrit fait mention d’une célébration à Haridwar tous les douze ans. La plupart des historiens s’accordent à dire que la Kumbh Mela sous sa forme actuelle a pris son essor aux XIXe et XXe siècles.
Une célébration redoutée par les Britanniques
Bien que la Kumbh Mela soit avant tout une fête religieuse, elle a toujours comporté une dimension commerciale et politique. En plus des baignades rituelles, un vaste marché s’établissait, offrant marchandises, spectacles de musiciens et jongleurs. Pendant l’ère coloniale britannique, la Kumbh Mela a acquis une dimension politique, les nationalistes indiens s’en servant pour revendiquer Swaraj (autogouvernance) et indépendance.
Les autorités britanniques percevaient donc cette fête comme un foyer potentiel de troubles et tentaient de contrôler les rassemblements. Cependant, l’État commençait déjà à organiser l’événement en raison des conflits fréquents entre groupes de Sadhus concernant l’ordre des baignades. Après plusieurs incidents tragiques, l’État a mis en place des mesures pour réguler ces pratiques.
Depuis l’indépendance en 1947, il est devenu traditionnel que les dirigeants de tous les partis assistent à la fête. Lors de la première Maha Kumbh Mela en Inde indépendante en 1954, l’ancien Premier ministre Jawaharlal Nehru a également fait le déplacement, bien que son parti, le Congrès laïque, prônât la séparation entre politique et religion. L’événement fut cependant assombri par une panique de masse qui a causé environ 800 victimes.
Un événement aux multiples enjeux politiques
Pour éviter que de telles tragédies ne se reproduisent, le gouvernement a mis en place des mesures de sécurité rigoureuses. Le site du festival, qui s’étend sur plus de 4000 hectares le long des rives du Gange et de la Yamuna, sera surveillé cette année par 2300 caméras. Pour la première fois, un centre de cybersécurité a été instauré pour surveiller les réseaux sociaux et réagir à la diffusion d’informations erronées pouvant être dangereuses.
Pour le BJP de Modi, la Maha Kumbh Mela représente une occasion stratégique pour promouvoir son message politique. Le parti hindou-nationaliste dépeint l’Inde comme un État des hindous, excluant les musulmans, chrétiens et autres minorités. Cela est particulièrement vrai dans l’État de l’Uttar Pradesh, dirigé depuis 2017 par le moine radical hindou Yogi Adityanath. Dans cette optique, la Maha Kumbh Mela constitue pour le BJP une plateforme idéale pour mettre en avant l’importance de l’hindouisme dans l’identité culturelle du pays.