jeudi, janvier 9, 2025

Les Ukrainiens déplorent leurs disparus et leurs pertes : un constat amer sur la guerre perdue.

En Ukraine, des centaines de proches de soldats disparus manifestent à Kiev, brandissant des drapeaux et des pancartes appelant à leur retour. L’incertitude et l’angoisse dominent, comme en témoigne l’histoire de Msago Ustjuschanin, dont le fils est porté disparu. Les informations sur les prisonniers de guerre sont floues, et les pertes humaines, tant du côté ukrainien que russe, restent un sujet de débat. Les manifestants, y compris des soldats blessés, critiquent le gouvernement et demandent plus de soutien.

En temps de conflit, l’Ukraine continue de vibrer au rythme des manifestations colorées et sonores. Récemment, des centaines de proches de soldats disparus se sont réunis sur une artère principale à Kiev. Une petite équipe de fonctionnaires, connue sous le nom de « police du dialogue », observe discrètement la scène. Les manifestants brandissent fièrement les drapeaux des unités de leurs fils, maris et amis. D’autres portent des pancartes faites main, clamant des messages tels que « Ramenez-les à la maison », « Free Azov » ou encore « La captivité russe est de la torture ». Ils encouragent les automobilistes à klaxonner, et presque tous répondent à l’appel par un soutien sonore.

L’angoisse des familles

L’incertitude est le poids le plus lourd à porter. Msago Ustjuschanin, vêtue de blanc, tient l’image de son fils devant elle. Les autorités militaires l’ont retrouvée en octobre 2023 dans la datcha où il avait probablement tenté d’échapper à la conscription. « Ce n’était pas un soldat, mais un artiste », se souvient-elle. Rapidement, cet homme de 38 ans se retrouve sur le front au sud de Kharkiv dans la 95e brigade aéroportée. « Il n’est jamais revenu de sa première mission », déclare Ustjuschanin, visiblement abattue par le silence de son fils.

Depuis ce jour, l’infirmière cherche désespérément des nouvelles de lui. Le commandant de brigade ne lui a fourni que peu d’informations, affirmant que son fils était porté disparu dans une zone désormais sous contrôle russe. « Une enquête avait été promise, mais elle n’a jamais eu lieu », confie-t-elle. Dans sa quête d’informations, elle s’est même tournée vers des mères de soldats russes via Telegram, mais sans succès.

Ustjuschanin fait partie d’un groupe de 500 proches de disparus de la 95e brigade aéroportée, une unité de prestige engagée sur les lignes de front les plus critiques, et qui compte parmi les brigades ayant subi le plus de pertes. Malheureusement, le manque d’informations est courant, souvent par crainte des révélations sur les erreurs des commandants. La situation sur le front est chaotique, et les unités, épuisées, combattent sous une pression constante.

Un nombre incertain de prisonniers et de pertes

Les données concernant les prisonniers de guerre sont tout aussi obscures, avec des organisations internationales ayant un accès très limité aux camps. Selon les estimations de l’ONU, la torture y est fréquente. La Russie avance le chiffre de 6500 prisonniers de guerre ukrainiens, une estimation qui pourrait être quatre fois inférieure à la réalité de Kiev. Il reste incertain si tous les Ukrainiens sont officiellement enregistrés ou considérés comme disparus.

Un sous-officier blessé, portant le pseudonyme « Schkolnik », manifeste pour ses camarades capturés, la plupart d’entre eux ayant défendu l’usine Azovstal à Marioupol au début de la guerre. En mai 2022, 2400 d’entre eux ont dû se rendre. « Ceux qui sont revenus ont raconté des histoires terrifiantes », explique-t-il.

Âgé de 21 ans et marchant avec des béquilles depuis plusieurs mois, « Schkolnik » estime qu’il est essentiel de maintenir la pression dans la rue. « Les politiciens agissent de manière insuffisante », déclare-t-il. Il exprime son dégoût pour le gouvernement de Zelensky et critique le système politique ukrainien. Son tatouage, le chiffre 1488, le lie à un mouvement d’extrême droite connu en Occident.

« Schkolnik » pense que la Russie ne cédera des prisonniers que si ses camarades sur le front capturent autant d’ennemis que possible. Malgré une offensive significative à Kouïsk, il reste pessimiste quant aux perspectives militaires. « Les nouvelles recrues envoyées ne sont pas prêtes, physiquement et mentalement. Notre pays a perdu trop d’hommes parmi ceux qui étaient expérimentés et motivés. »

Le nombre total de soldats ukrainiens tombés durant ces presque trois années de conflit reste un sujet de débat. Pendant un temps, Kiev n’a pas fourni de chiffres, avant que Zelensky n’annonce au printemps 31 000 morts, puis 43 000 récemment. En revanche, les pertes russes seraient autour de 200 000, un chiffre qui coïncide avec les estimations occidentales, tandis que le chiffre ukrainien pourrait être sous-estimé. Le portail Ualosses a documenté entre le 24 février 2022 et début janvier 63 500 soldats tués, sans compter les disparus. L’« Economist » évalue le nombre total de morts entre 60 000 et 100 000, indiquant qu’un homme sur 20, âgé de 18 à 50 ans, a perdu la vie ou est porté disparu.

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