« Gypsy », un classique du théâtre, continue de captiver les audiences avec sa dernière production dirigée par George C. Wolfe et mettant en vedette Audra McDonald. Inspirée des mémoires de Gypsy Rose Lee, l’histoire explore les rêves et ambitions d’une mère, Rose, qui pousse ses filles dans le monde du spectacle. Grâce à une chorégraphie dynamique et des chansons mémorables, la pièce aborde des thèmes de pouvoir, de misogynie et de lutte, tout en offrant une performance poignante et humaine.
Un Chef-d’Œuvre Indémodable : « Gypsy » à Broadway
Depuis sa première à Broadway il y a soixante-cinq ans, « Gypsy » s’impose comme l’une des œuvres emblématiques du théâtre du 20e siècle. De New York à Londres, cette pièce a connu des productions mémorables, mettant en vedette des légendes comme Angela Lansbury et Imelda Staunton. Cependant, la dernière version, sous la direction du talentueux George C. Wolfe et avec la performance éblouissante de la lauréate d’un Tony Award, Audra McDonald, se distingue par son énergie électrisante et son unicité, promettant de devenir un incontournable dans l’histoire de « Gypsy ».
Une Histoire de Rêves et d’Ambitions
Inspirée des mémoires de la célèbre strip-teaseuse Gypsy Rose Lee, l’intrigue débute dans les années 1920 à Seattle. La scène s’anime avec des enfants qui se préparent pour un numéro de vaudeville orchestré par l’oncle Jocko (Jacob Ming-Trent). Baby June (la talentueuse Jade Smith) et sa sœur Louise (Kyleigh Vickers) sont prêtes à briller lors de la prochaine représentation. Mais leur mère, Rose (interprétée avec brio par McDonald), interrompt les répétitions, prenant le contrôle et aspirant toute l’attention. Rose est déterminée à faire de June une superstar, et ses ambitions semblent bien trop vastes pour le petit cadre de Seattle.
Dès qu’elles sont écartées de la scène de Jocko, Rose et ses filles s’embarquent pour un voyage à travers les États-Unis, cherchant à percer à Hollywood, New York et Omaha. En chemin, elles rencontrent Herbie (Danny Burstein), qui, malgré ses défauts, devient leur agent. Cependant, au fil des années et de la Grande Dépression, les aspirations de Rose et de June demeurent inachevées. Alors que June (interprétée par Jordan Tyson) et Louise (la fascinante Joy Woods) grandissent, leur performance reste figée dans la vision de Rose, les empêchant d’évoluer. Enveloppées dans des costumes ridicules, les sœurs n’osent pas défier leur mère — jusqu’à ce qu’elles le fassent.
Émaillée de chansons mémorables telles que « Some People », « You’ll Never Get Away From Me » et le célèbre « Everything’s Coming Up Roses », qui met en avant la voix puissante et émotive de McDonald, chaque instant de cette comédie musicale en deux actes offre une immersion totale. La chorégraphie éblouissante de Camille A. Brown, la scénographie de Santo Loquasto et le design sonore de Scott Lehrer, sans oublier les costumes scintillants de Toni-Leslie James (surtout dans l’Acte II), témoignent de la raison pour laquelle « Gypsy » continue de captiver les audiences à travers les générations.
Cette production se démarque également par la vision unique de Wolfe. Les moments de comédie sont omniprésents, notamment à travers les répliques absurdes de Rose, son vol de couverts et ses maladresses sociales, révélant une femme désespérée de réaliser ses rêves, mais incapable de trouver d’autres moyens que d’exploiter les talents de ses filles. Bien que la pièce n’aborde pas explicitement le sujet de la race, des allusions au colorisme émergent, illustrant la dynamique entre Rose et ses filles.
De plus, Rose, avec son attitude tyrannique, pousse June à fuir tout en exploitant Louise, l’entraînant malgré elle dans le monde du burlesque. Malgré son caractère écrasant, McDonald parvient à donner une profondeur à Rose, la rendant à la fois détestable et humaine, un reflet des luttes causées par le sexisme et la misogynie.
Refusant de se remarier malgré les supplications d’Herbie et consciente des rares opportunités offertes aux femmes, surtout aux femmes de couleur, Rose revendique son pouvoir dans les limites qui lui sont imposées. Elle incarne à la fois la coupable et la victime, une dualité qui atteint son apogée dans le numéro final, « Rose’s Turn ».
« Gypsy » occupe une place de choix dans le paysage théâtral américain, mais la prestation de McDonald brille de mille feux. Malgré ses traits sombres, Rose demeure une figure affamée et humaine, en lutte avec ses circonstances, ses traumatismes d’abandon et son désir de construire une vie meilleure pour elle-même et ses filles. Elle illustre à la fois la force et les défis auxquels les femmes sont confrontées, ainsi que notre manière de naviguer dans ce monde.