En septembre prochain, la Migros célébrera son centenaire à l’aéroport de Mollis avec un événement grandiose pour ses 80 000 employés, malgré une restructuration majeure ayant entraîné la suppression de milliers d’emplois. Sous la direction de Mario Irminger, la coopérative se recentre sur ses supermarchés et abandonne certaines activités, dont des magasins spécialisés. Cette transformation répond à des changements de consommation, alors que la Migros cherche à se réinventer dans un marché en évolution.
Ce qui se prépare dans le Glarnerland en septembre de l’année prochaine s’annonce comme bien plus qu’une simple célébration d’entreprise. La Migros organise un événement de deux jours à l’aéroport de Mollis pour ses 80 000 employés, marquant ainsi un anniversaire mémorable. C’est en effet le centenaire depuis que Gottlieb Duttweiler a lancé les cinq premiers camions de vente de la Migros dans les rues de Zurich.
La Migros qualifie cet événement de « plus grande fête pour les employés que la Suisse ait jamais connue ». Des performances de plusieurs artistes suisses renommés sont attendues, et des trains spéciaux de la SBB transporteront des employés des régions les plus éloignées du pays vers Glaris. Célébrer cent ans de Migros est sans aucun doute une occasion à ne pas manquer.
Cependant, la coopérative débute cette année anniversaire avec un certain handicap. Elle est en plein cœur du plus vaste programme de restructuration de son histoire, qui a déjà entraîné la suppression de plusieurs centaines d’emplois, et ce processus est encore loin d’être achevé.
Février : Le discours du directeur
Un vendredi matin de début février, Mario Irminger s’exprime depuis le siège à Zurich sur l’avenir de la Migros. Président de la direction générale depuis neuf mois, il annonce une restructuration que beaucoup pensaient inimaginable. La NZZ évoquera plus tard « la fin de la Migros telle que nous la connaissons », tandis que les journaux de Tamedia s’interrogeront : « Est-ce que l’ère des enfants de Migros est révolue ? »
Irminger souligne que la Migros est devenue inefficace, lente, et trop vaste au fil des décennies. À partir de maintenant, l’accent sera mis sur le secteur des supermarchés, le cœur de l’entreprise. Les produits alimentaires à bas prix seront désormais prioritaires, alors que le secteur de la cosmétique en Corée du Sud sera délaissé. Pour atteindre ces objectifs, la Migros prévoit de vendre certaines de ses filiales et magasins spécialisés tout en réduisant le nombre d’emplois. Environ 1500 postes à temps plein seront supprimés, et à l’issue de la restructuration, la Migros comptera 6500 employés en moins qu’auparavant.
L’annonce a choqué même les experts du secteur. Avec un chiffre d’affaires annuel de 32 milliards de francs et des fonds propres de 22 milliards, la coopérative est financièrement solide. Lors d’une interview en mars, Mario Irminger précise les raisons de cette restructuration : « Nous avons un peu perdu de vue l’essence de la Migros. »
Un observateur avisé de la Migros cette année est Jörg Staudacher, consultant en entreprise et expert en commerce de détail à la Haute école de gestion de Zurich (HWZ). Il commente : « Annoncer un changement aussi radical dans une structure organisationnelle aussi complexe était audacieux de la part de la Migros. »
Mai : La Supermarkt AG prend les rênes
La première phase de cette transformation consiste en la réorganisation du siège, sous la responsabilité de la Supermarkt AG. Cette dernière doit fonctionner comme un prestataire de services pour les dix coopératives régionales de la Migros, prenant en charge des tâches telles que le marketing ou l’informatique. Bien que le lancement officiel ait eu lieu en janvier, les choses sont restées calmes jusqu’en mai.
« Je peux de nouveau faire mes courses chez Coop. » Ainsi, une employée de Migros annonce via la plateforme X qu’elle a été licenciée. Comme elle, d’autres employés, dont certains avec plusieurs années d’ancienneté, se retrouvent dans la même situation. Parmi les 900 postes au siège, 150 emplois disparaissent.
Bien que la Migros ait déjà communiqué sur la réduction d’effectifs, la compréhension est faible. Des rumeurs circulent concernant des femmes enceintes et des femmes en congé maternité parmi les licenciés. La Migros reconnaît la situation, affirmant que « des périodes de protection contre le licenciement s’appliquent pour elles », mais il s’avère qu’il s’agit de cas isolés.
Un goût amer perdure. La Migros n’est pas une entreprise ordinaire, mais le plus grand employeur de Suisse (2023 : 99 175 employés). En tant que coopérative, elle appartient à ses clients et se présente comme un super-entreprise avec une responsabilité sociale et écologique. Et c’est précisément cette Migros qui licencie des femmes enceintes ?
Le consultant Jörg Staudacher indique que de telles décisions sont inhérentes à une restructuration. « Pour l’image, ce n’est pas si critique. Une entreprise de la taille de la Migros parvient à surmonter rapidement ce genre d’annonces. »
Été : La fin des magasins spécialisés
Avec leur modèle commercial devenu obsolète, les magasins spécialisés posaient problème à la Migros depuis plusieurs années. Leur chiffre d’affaires n’atteignant plus que 1,5 milliard de francs, des questions se posaient quant à leur viabilité. La réponse est venue durant l’été.
En juin, la Migros annonce que Mediamarkt va reprendre une grande partie de la chaîne d’électronique Melectronics. Peu après, un accord est conclu avec le groupe allemand Deichmann pour établir des magasins Ochsner-Sport et Dosenbach dans les magasins SportX. En septembre, il est confirmé que le fabricant de vélos électriques bernois Thömus va reprendre presque tous les magasins de Bike World.
Et ce n’est pas tout : la Migros a également décidé de se séparer de son magasin de meubles Micasa et du magasin de bricolage Do it + Garden. À l’exception de quelques rares établissements Obi, la Migros se débarrasse ainsi de l’ensemble de ses magasins spécialisés, marquant la fin d’une époque entamée dans les années soixante avec la création de Melectronics.
« La Migros n’avait pas d’autre choix », souligne Jörg Staudacher. Les jeunes consommateurs préfèrent acheter leurs meubles, vêtements de sport, et écouteurs en ligne, sans attachement aux marques comme les générations précédentes. « Ils ne sont plus les enfants de Migros. »