L’Union Européenne fait face à des divergences sur le financement de la défense, avec des propositions de budget militaire de 100 milliards d’euros. Alors que certains pays, comme la Pologne, dépassent les exigences de l’OTAN, d’autres, comme l’Allemagne, peinent à atteindre l’objectif de 2 % de leur PIB. Des stratégies de financement alternatives sont envisagées, mais elles soulèvent des défis politiques. Certains États prônent une approche collective pour une défense commune, inspirée par des modèles de financement utilisés durant la pandémie de Covid-19.
Alors que l’Union Européenne (UE) navigue à travers des divergences concernant les dépenses militaires, sa position sur la scène mondiale laisse à désirer. L’objectif politique est clair : « Au vu des enjeux géopolitiques actuels, il est impératif que nous augmentions nos efforts en matière de défense », affirme Markus Ferber, porte-parole en politique économique du Parti populaire européen (PPE) à Bruxelles.
Cependant, la question de la levée de fonds supplémentaires crée une cacophonie au sein de l’UE. « La véritable question est de savoir comment cela sera financé », souligne Ferber.
Les sommes en jeu sont considérables, tant au niveau de l’UE que de ses États membres. Andrius Kubilius, le nouveau commissaire européen à la défense, plaide pour un budget de 100 milliards d’euros destiné à l’armée dans le prochain cadre financier pluriannuel de l’UE. « Nous devons anticiper la possibilité d’une agression russe », prévient-il. Jusqu’à présent, seulement 10 milliards d’euros étaient alloués à la défense.
Le défi des dépenses militaires en Allemagne
De nombreux États membres se heurtent également à des obstacles. Selon les attentes de l’OTAN, ils devraient consacrer 2 % de leur produit intérieur brut (PIB) à la défense. Les pays d’Europe de l’Est, confrontés à la menace du président russe Vladimir Poutine, ont en grande partie dépassé ce seuil. Par exemple, la Pologne prévoit d’allouer 4,1 % de son PIB à ses forces armées cette année.
En revanche, l’Allemagne peine à atteindre cet objectif des 2 %. Elle y parvient seulement grâce à un « fonds spécial » de 100 milliards d’euros, qui devrait être épuisé d’ici 2028. De plus, Berlin inclut dans ses calculs l’aide à l’Ukraine et d’autres dépenses qui ne profitent pas directement à la Bundeswehr. Sans ces ajustements, certains experts affirment que l’Allemagne ne dépasserait pas le seuil fixé par l’OTAN, atteignant seulement 1,1 %.
D’autres pays adoptent également des stratégies créatives concernant leurs dépenses militaires. Les nations de l’UE, telles que la Belgique et l’Italie, qui sont très endettées, rencontrent des difficultés majeures. Ces deux pays sont loin de l’objectif des 2 %, tout en étant contraints par un espace fiscal limité.
Le politicien belge Bart De Wever tente depuis des mois de constituer un nouveau gouvernement, devant inclure des libéraux, des chrétiens-démocrates et des sociaux-démocrates. Cependant, tous les efforts ont échoué à cause de désaccords budgétaires. Les représentants de gauche souhaitent augmenter les impôts pour réduire le déficit, alors que De Wever préconise des mesures d’économies.
Les limites de l’endettement pour la défense
Il existe en réalité plusieurs options pour lever des fonds supplémentaires pour la défense : réaffecter les budgets nationaux en réduisant les dépenses sociales, comme les retraites, ou encore contracter de nouvelles dettes, contourner les règles fiscales, ou utiliser des fonds existants.
Cependant, ces stratégies comportent leurs propres défis, étant politiquement délicates à mettre en œuvre ou en contradiction avec des principes établis pour de bonnes raisons. La difficulté de réaffecter les budgets nationaux est illustrée par les cas de la Belgique, de la France et de l’Allemagne.
Dans ces deux grands pays de l’UE, des gouvernements sont tombés en moins d’un mois, principalement à cause de désaccords sur les finances. « Je mettrais en garde contre un jeu budgétaire à somme nulle, où l’on compromet la sécurité sociale », déclare René Repasi, chef des députés européens du SPD.
Les critères de Maastricht imposent des contraintes strictes aux États membres de l’UE en matière d’endettement. Le déficit budgétaire ne doit pas excéder 3 % du PIB, tandis que la dette ne doit pas dépasser 60 %. Actuellement, la Commission a engagé une procédure contre huit États membres pour non-respect de ces critères, dont la Pologne, considérée comme un modèle en matière de dépenses militaires. Il n’est donc pas surprenant que la Pologne plaide pour l’exclusion des dépenses de défense des critères de Maastricht.
La situation est donc complexe. Les critères de Maastricht ont été conçus pour éviter une économie fondée sur la dette, mais plusieurs membres de l’UE sont déjà confrontés à de tels défis.
L’UE comme solution pour le financement militaire
Face à cette impasse, certains pays de l’UE plaident pour des modèles de financement communs. « La défense est un bien commun, nous avons besoin d’une approche collective », affirme le ministre des Finances polonais, Andrzej Domanski. Certains États espèrent une sorte de « distributeur automatique » d’aide de l’UE pour résoudre leurs problèmes financiers.
Cette approche a déjà été mise en œuvre lors de la pandémie de Covid-19 en 2020, lorsque la Commission a créé un fonds de relance pour éviter que certains pays du Sud de l’Europe ne soient exclus des marchés financiers.
L’UE a ainsi emprunté massivement sur les marchés des capitaux et a distribué une partie de ces fonds sous forme de subventions non remboursables aux États membres.
Cependant, ces derniers se comportent comme des partenaires peu fiables. À partir de 2028, l’UE devra rembourser le capital emprunté sur une période de 30 ans, avec des intérêts à payer. Pour s’acquitter de ces dettes, il est prévu que l’UE reçoive de nouveaux fonds de la part des États membres.
Malheureusement, les États membres ne montrent aucun signe de volonté de transférer des ressources à l’UE, malgré leurs promesses. Cela pourrait plonger l’UE dans une spirale d’endettement, à l’image de certains de ses États membres. La confédération pourrait donc se retrouver à financer des dépenses militaires dans un cadre similaire à celui du fonds de relance.