vendredi, décembre 13, 2024

Accord UE-Mercosur : émergence d’une vaste zone commerciale mondiale et tensions entre la France et l’Allemagne

Le récent mandat d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne a vu la finalisation d’un accord commercial avec le Mercosur, réduisant les droits de douane sur les produits européens. Bien que cet accord vise à renforcer les échanges, des tensions persistent entre l’Allemagne, qui le soutient, et la France, qui exprime des réserves. Les agriculteurs européens craignent des conséquences sur leur marché, d’autant que l’accord nécessite encore l’approbation de plusieurs États membres et du Parlement européen.

Le mandat renouvelé de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a débuté il y a seulement une semaine, mais elle a déjà initié une dynamique significative. À Montevideo, la capitale de l’Uruguay, un accord a été finalisé avec les pays membres de l’organisation économique Mercosur, ouvrant la voie à un accord commercial.

Cet accord vise à renforcer les échanges entre l’Union européenne et des nations comme le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay. En conséquence, les droits de douane sur les produits industriels européens au sein du Mercosur vont diminuer considérablement ou même être abolis progressivement, notamment pour les voitures, où les droits actuels s’élèvent à 35 %. En contrepartie, les pays latino-américains bénéficieront d’une augmentation de leurs exportations agricoles vers l’UE sans droits de douane.

Un parcours semé d’embûches de 25 ans

L’histoire de cet accord commercial est marquée par des négociations qui ont débuté en 1999. Ce n’est qu’en 2019 qu’une proposition concrète a émergé, mais elle a été rapidement mise de côté. Les gouvernements des États membres de l’UE, notamment sous la pression des lobbies agricoles, ont manifesté leur opposition, la France étant particulièrement réticente.

Récemment, Emmanuel Macron a clairement déclaré que l’accord tel qu’il était présenté en décembre dernier n’était pas acceptable pour la France, recevant le soutien de la Pologne, qui partage également des préoccupations similaires.

Étonnamment, Ursula von der Leyen semble maintenant prête à défier ces deux puissants États membres, témoignant de l’inquiétude de la Commission face à la morosité de l’économie européenne. Les entreprises européennes sont confrontées à des défis tels que la flambée des prix de l’énergie, le manque de main-d’œuvre qualifiée, des investissements privés en berne, ainsi que les coûts engendrés par la guerre en Ukraine.

La présidente de la Commission espère qu’une réduction des barrières commerciales stimulera l’économie, tout en évitant que les marchés latino-américains ne tombent sous l’influence de la Chine.

L’Allemagne en faveur d’un accord commercial

Pour les mêmes raisons, le gouvernement allemand dirigé par Olaf Scholz est parmi les plus fervents défenseurs de cet accord commercial. En 2023, l’Allemagne a exporté pour 16 milliards d’euros de biens vers le Mercosur, un chiffre record parmi les États membres de l’UE.

Les secteurs de l’automobile, de la construction mécanique et de la chimie voient un grand potentiel dans cet accord. Par exemple, les constructeurs automobiles allemands produisent déjà des véhicules au Brésil et en Argentine, mais leurs exportations depuis l’Allemagne restent limitées. Hildegard Müller, présidente de l’Association de l’industrie automobile allemande (VDA), considère cet accord comme crucial.

Tensions entre l’Allemagne et la France

Ce nouvel accord commercial creuse un fossé entre l’Allemagne et la France, deux des principaux pays de l’UE. Des désaccords existent déjà concernant l’imposition de droits de douane sur les véhicules électriques chinois, avec l’Allemagne s’opposant à cette mesure tandis que Macron la soutenait, position qui a finalement prévalu. Si cet accord entre en vigueur, il pourrait exacerber les tensions au sein de l’Union.

Cependant, le chemin vers l’approbation reste incertain. Pour entrer en vigueur, l’accord nécessite le soutien de 15 des 27 États membres, représentant au moins 65 % de la population de l’UE. De plus, l’accord doit être validé par le Parlement européen, un processus qui pourrait ne pas être finalisé avant 2025.

Un climat de scepticisme prévaut dans de nombreux pays, au-delà de la France, notamment en Autriche, en Italie et aux Pays-Bas. Des agriculteurs en France, en Pologne et en Belgique ont récemment organisé des manifestations contre cet accord.

Il reste à voir dans quelle mesure les préoccupations de certains États ont été prises en considération dans le texte actualisé de l’accord. Cependant, il est probable que des ajustements aient été réalisés sur des questions de durabilité, plutôt que sur celles qui suscitent l’indignation des agriculteurs.

Les syndicats agricoles ont déjà prévu des manifestations pour lundi, qui devraient se poursuivre, notamment lors du sommet de l’UE prévu le 19 décembre à Bruxelles. La ministre française du Commerce, Sophie Primas, a réaffirmé les réserves de Macron concernant l’acceptabilité de cet accord.

Il existe même des divergences internes au sein des pays, alors que le gouvernement allemand plaide en faveur du contrat, l’Association des agriculteurs allemands s’y oppose fermement.

Des concessions limitées pour l’agriculture

À première vue, seules des quantités restreintes de produits agricoles pourront entrer sur le marché européen sans droits de douane. Par exemple, pour le poulet, cela se limite à 180 000 tonnes par an, représentant seulement 1,4 % de la consommation européenne, avec des chiffres similaires pour le bétail.

Cependant, certains États membres craignent que cela ne soit que le début, redoutant que des concessions similaires soient accordées à d’autres exportateurs agricoles comme la Nouvelle-Zélande, l’Australie ou les États-Unis. Une telle accumulation pourrait constituer une menace pour les agriculteurs européens, selon le ministre de l’Agriculture d’un État membre de l’UE.

Les agriculteurs estiment également être traités de manière inéquitable par la Commission européenne, qui leur impose des normes strictes, notamment en matière de protection environnementale, alors que ces exigences ne s’appliquent pas aux producteurs latino-américains. De plus, ils se sentent désavantagés, sachant que les exploitations agricoles au Brésil et en Argentine peuvent être plusieurs fois plus vastes que celles d’Europe.

Actuellement, les États membres du Mercosur ne sont pas considérés comme des partenaires commerciaux majeurs pour l’UE, les exportations vers ces pays ne représentant qu’un dixième de celles dirigées vers les États-Unis.

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