dimanche, novembre 24, 2024

Lutte contre l’« île de prix Suisse » : Les autorités de la concurrence demandent des réductions tarifaires d’un fournisseur international.

Une initiative populaire en Suisse a conduit à des révisions législatives visant à garantir des « prix équitables », étendant les interdictions de pratiques abusives à des entreprises considérées comme « relativement puissantes ». La Commission suisse de la concurrence (Weko) a déjà ordonné une réduction de prix pour un éditeur, Madrigall, qui refusait de fournir des livres à des conditions équitables. Bien que la nouvelle réglementation ait été mise en place, peu d’enquêtes ont été lancées jusqu’à présent.

Salaires en Suisse et prix au sein de l’UE : une combinaison prometteuse qui a été à l’origine d’une initiative populaire soutenue par des commerçants et des défenseurs des consommateurs, visant à garantir des « prix équitables ». Cette initiative a rencontré un succès retentissant sur le plan politique, entraînant le Parlement à mettre en œuvre les principales demandes sans recourir à un référendum, notamment par le biais d’une révision de la législation sur les cartels.

Le changement majeur apporté par cette révision stipule qu’à partir de 2022, les interdictions auparavant applicables uniquement aux entreprises dominantes s’étendent désormais à celles considérées comme « relativement puissantes sur le marché ». Selon la législation, une entreprise est jugée relativement puissante lorsqu’elle est en position de force par rapport à un partenaire commercial qui ne dispose pas d’alternatives raisonnables.

Ce nouveau cadre juridique vise à protéger non pas les pratiques concurrentielles habituelles, mais plutôt les entreprises vulnérables, luttant ainsi contre l’« exploitation » des fournisseurs étrangers sur le sol suisse.

Importation directe sans frais additionnels

Pour la première fois, la Commission suisse de la concurrence (Weko) a ordonné une réduction de prix en vertu de la nouvelle « clause anti-exploitation ». Dans un communiqué publié récemment, la Weko a révélé que le groupe d’édition français Madrigall refusait à la librairie vaudoise Payot de lui fournir ses livres aux conditions habituelles en France. La Weko a donc exigé que Madrigall permette à sa cliente suisse d’importer directement « aux conditions françaises ». Madrigall est l’un des principaux acteurs de l’édition en France, se classant parmi les plus influents.

Pour rendre le concept de pouvoir de marché relatif plus concret, la Weko doit prendre plusieurs décisions de principe. L’autorité examine notamment les alternatives disponibles pour le partenaire contractuel et les conséquences d’un éventuel contournement.

Concernant les livres, la Weko a déterminé que Payot ne disposait pas d’alternatives viables. Aucun grossiste ni autre librairie n’était en mesure de fournir à Payot la quantité requise de livres Madrigall dans des conditions similaires. De plus, renoncer à la vente des livres Madrigall entraînerait des « pertes de chiffre d’affaires significatives » pour Payot, nuisant à son attrait auprès des clients.

Les livres Madrigall représentent une part significative du chiffre d’affaires total de Payot. Bien que la Weko n’ait pas fourni de détails supplémentaires, une décision plus complète, incluant des données financières, devrait être publiée dans quelques mois, une fois les informations confidentielles traitées.

Quant à la question de savoir quel seuil de part de chiffre d’affaires rend un client « dépendant » d’un fournisseur, la Weko n’a pas fourni de réponse précise, car cela dépend du secteur et d’autres facteurs.

Il est évident que les livres français jouent un rôle crucial pour les commerçants de l’ouest de la Suisse. D’après un rapport du journal vaudois « Le Temps », près de 90 % des livres vendus en Romandie proviennent d’éditeurs français.

Différence de prix entre 10 et 20 pour cent

Avec l’affirmation du pouvoir de marché relatif, la question se pose de savoir si Madrigall a abusé de sa position par la discrimination tarifaire. Payot a déposé une plainte auprès de la Weko en 2022, affirmant que Madrigall entravait l’approvisionnement direct depuis la France aux conditions habituelles.

Une augmentation des prix en Suisse peut être justifiée par des coûts plus élevés, tels que ceux liés au marketing et à la distribution. Toutefois, la Weko a constaté que Madrigall n’avait pas pu prouver qu’une part significative des coûts supplémentaires allégués était justifiée. La différence de prix injustifiée au détriment de Payot était estimée entre 10 et 20 pour cent. Suite à la décision de la Weko, Madrigall doit désormais limiter les surcoûts pour Payot aux coûts additionnels prouvés ou offrir des conditions équivalentes à celles des libraires français pour un approvisionnement direct.

Bien que cette décision concerne principalement la relation commerciale entre Madrigall et Payot, elle envoie un message fort à l’ensemble du secteur et pourrait avoir des implications pour d’autres domaines.

Madrigall a la possibilité de faire appel de la décision de la Weko devant le Tribunal administratif fédéral dans un délai de 30 jours. Si l’éditeur choisit de ne pas contester, il reste à voir si la Weko peut appliquer sa décision à des entreprises étrangères. En effet, Madrigall est présent physiquement en Suisse avec une filiale à Lausanne, ce qui facilite les communications. En revanche, il pourrait être plus difficile pour la Weko d’agir contre des entreprises situées dans des pays éloignés, comme les États-Unis ou l’Inde, qui n’ont pas toujours répondu aux demandes de la Weko.

Un nombre limité d’enquêtes

Globalement, la nouvelle réglementation sur les abus par les entreprises ayant un pouvoir de marché relatif n’a pas encore provoqué de bouleversements majeurs. Depuis 2022, le nombre de plaintes concernant ce sujet reste modeste, avec environ 30 signalements, et jusqu’à présent, seulement trois enquêtes officielles ont été lancées.

Le premier dossier concernait la relation commerciale entre Galexis AG, un grossiste pharmaceutique appartenant à Galenica, et un fournisseur allemand de produits alimentaires pour soins médicaux (Fresenius Kabi). En juillet dernier, la Weko a conclu que le client suisse n’était pas dépendant de ce fournisseur allemand, et que ce dernier n’avait pas exigé de prix excessifs.

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