La « prison des réalisateurs » à Hollywood évoque la stagnation de carrière après un échec, mais cela prend une dimension tragique en Iran. Le cinéaste Mohammad Rasoulof, sous la menace d’une peine de prison et de violence, a fui vers l’Allemagne après que son passeport lui a été confisqué. Son film *La graine du figuier sacré*, en cours de production dans des conditions risquées, aborde les bouleversements sociaux du pays. Rasoulof illustre les dangers auxquels font face les artistes engagés dans des contextes répressifs.
La Prison des Réalisateurs : Une Réalité Bien Différente à Hollywood
Il existe une expression amusante à Hollywood, souvent appelée « la prison des réalisateurs », qui se réfère à la stagnation de carrière d’un cinéaste après un échec retentissant. Bien que les réputations puissent être ternies, la plupart des réalisateurs peuvent se tourner vers d’autres opportunités, notamment la télévision. Cependant, l’idée d’être incarcéré pour ses œuvres cinématographiques est une réalité bien plus sérieuse dans d’autres parties du monde. En effet, en Iran, cette menace est très réelle, comme l’illustre le parcours du réalisateur Mohammad Rasoulof.
Mohammad Rasoulof : Un Cinéaste en Fuite
Connu pour son film *La graine du figuier sacré*, qui est désormais la candidature officielle de l’Allemagne pour le meilleur film international, Rasoulof a récemment été sous les projecteurs après que son film ait été sélectionné à Cannes. Les autorités iraniennes, lui ayant confisqué son passeport, ont exigé qu’il retire son œuvre. En parallèle, il a été condamné par le tribunal révolutionnaire de Téhéran à une peine potentielle de huit ans de prison et à la confiscation de ses biens. La situation était d’autant plus alarmante qu’il risquait également des coups de fouet, une punition rare pour les artistes dans les pays occidentaux.
Face à cette menace, Rasoulof a rapidement agi. Dès que la nouvelle a éclaté, lui et certains de ses collaborateurs ont entrepris une fuite périlleuse qui les a conduits en Allemagne, où il a obtenu l’asile. « Quelques jours après le tournage, j’ai informé mes amis à l’étranger que je devais me déconnecter des communications en ligne », se rappelle-t-il. « Je leur ai dit : ‘Le film est entre vos mains désormais. Si je suis arrêté, il vous incombe de le terminer.’ »
Rasoulof a commencé à concevoir l’idée de *La graine du figuier sacré* alors qu’il purgait une peine d’un an de détention pour tournage sans autorisation. « J’ai vu des prisonniers de conscience et des criminels, mais j’ai essayé de comprendre la perspective des gardiens », explique-t-il. Cette expérience a été enrichie par le mouvement ‘Femme, Vie, Liberté’ qu’il observait depuis sa cellule.
En prison, il a eu l’opportunité de croiser le célèbre réalisateur iranien Jafar Panahi. « Jafar et moi étions ensemble, et lorsqu’il a fallu que je commence ce projet, il m’a encouragé à aller de l’avant malgré mes craintes », raconte-t-il. L’intrigue de son film tourne autour d’Iman, un avocat qui doit garder son nouveau rôle de juge secret. Lorsque sa couverture est compromise, il se retrouve à gérer la désintégration de sa famille au milieu des bouleversements sociaux en Iran.
Rasoulof a ressenti un niveau de danger accru en raison de la nature politique de son film. « J’ai toujours réalisé des films underground, mais cette fois-ci, la menace était palpable », confie-t-il. Pour éviter d’attirer l’attention des autorités, il a collaboré avec un nombre restreint de personnes et a utilisé des ressources limitées. La recherche d’acteurs a été compliquée par le mouvement ‘Femme, Vie, Liberté’, qui a vu de nombreuses actrices refuser de porter le voile lors de leurs apparitions. Cela a ouvert des possibilités pour Rasoulof de choisir parmi celles qui soutenaient ce mouvement.
Les répétitions étaient menées dans des lieux discrets. « Nous nous réunissions pour des répétitions à des événements informels, cela semblait léger, mais c’était en fait du travail sérieux », explique-t-il. Une fois le tournage commencé, Rasoulof a utilisé une stratégie astucieuse pour éviter d’être repéré. « Je n’étais jamais sur le plateau. Selon la scène, je me tenais à distance, parfois très éloigné, mais toujours prêt à diriger », précise-t-il. Il savait que les autorités surveillaient de près ses déplacements, utilisant des méthodes modernes comme le suivi par téléphone portable et les cartes bancaires.
« Avant de sortir, je prenais soin de me déguiser pour ne pas être reconnu et je faisais en sorte qu’aucun regard curieux ne me suive », conclut-il. La vie d’un réalisateur engagé comme Rasoulof est marquée par des défis qui dépassent de loin ceux rencontrés par ses homologues à Hollywood.