Amine Ghali, director of the Kawakibi Center for Democratic Transition, highlights the growing fears of NGOs in Tunisia due to threats of imprisonment for supporting migrants, increased government scrutiny, and a hostile state narrative against civil society. Despite hopes for improved conditions post-election, NGOs face intensified challenges, including bureaucratic hurdles and limitations on funding from abroad. Criticism of human rights organizations is mounting, as the regime increasingly targets civil society, which is seen as a threat to its authority.
« Elles ont raison d’être inquiètes », déclare Amine Ghali, directeur du Centre Kawakibi pour la transition démocratique à Tunis, en évoquant les préoccupations qui touchent de nombreuses ONG aujourd’hui. « Nous faisons face à des peines de prison pour avoir soutenu des migrants, à des enquêtes multiples contre des associations travaillant sur les droits de l’homme et la démocratie, et à un discours hostile à leur égard provenant des plus hauts niveaux de l’État », résume Ghali, soulignant le climat actuel en Tunisie, qui contraste fortement avec la collaboration constructive entre la société civile et le secteur public pendant une décennie.
De nombreuses ONG tunisiennes sont actuellement sous pression et la plupart hésitent à parler ouvertement de leur situation. Certaines d’entre elles avaient toutefois espéré une amélioration suite à la réélection du président Kais Saied, qui a remporté le scrutin avec plus de 90 % des voix, sans adversaires sérieux. Malheureusement, pour les organisations devenues cibles du gouvernement, la situation se complique davantage.
Siwar Gmati, représentante d’I Watch, connaît bien cette pression. Elle partage que l’association a été convoquée par les autorités 16 fois l’année dernière : « Nous avons eu à affaire au tribunal pénal, à l’unité de lutte contre le blanchiment d’argent, et même à celle des délits de communication. Nous sommes désormais familiers avec ces instances ». L’ONG I Watch, qui combat la corruption et est affiliée à Transparency International, est perçue comme l’une des plus vocales de Tunisie, au point que même des voix bienveillantes lui reprochent parfois son approche acerbe. « Si vous traitez des questions techniques, cela passe encore. Mais dès que vous critiquez une institution publique, cela devient difficile », admet Gmati.
Observation limitée, transparence compromise
Observation limitée, transparence compromise
Au début septembre, l’ISIE, l’autorité électorale, a refusé d’accréditer I Watch et une autre organisation d’observation des élections, affirmant qu’elles avaient reçu des fonds suspects de l’étranger pour interférer dans les affaires tunisiennes. Cette décision impacte sévèrement la transparence électorale, souligne Amine Ghali. « Avant, nous avions 20 000 observateurs, mais cette fois, ils n’étaient que 1 700 pour environ 5 000 bureaux de vote ».
Les accusations contre la société civile ne sont pas nouvelles. L’idée que les grandes ONG engagées pour les droits de l’homme représentent des intérêts étrangers est ancrée dans l’esprit des gouvernants, selon Gmati. « On nous traite d’espions, de traîtres et de non-patriotes ». Elle estime que cette stratégie vise à détourner l’attention des manquements de l’État. « Ce régime a toujours besoin d’un bouc émissaire. D’abord, ce furent les migrants d’Afrique subsaharienne, maintenant c’est au tour de la société civile ».
Les ONG qui défendent les droits des personnes queer font également l’objet d’une attention accrue de la part des autorités, déplore la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), signalant que six membres d’organisations LGBTQ ont été convoqués et 27 personnes queer arrêtées en une semaine.
Bureaucratie croissante
Bureaucratie croissante
Les organisations dans le secteur des droits humains subissent également des convocations récentes. Selon Siwan Gmati d’I Watch, cela touche les ONG reconnues internationalement qui pourraient sensibiliser l’opinion publique sur des thématiques importantes. « Les exigences en matière de documentation pour obtenir des fonds étrangers sont écrasantes », déclare Gmati. « Il peut falloir trois mois pour recevoir un versement ».
Avec un soutien financier publique nominal et principalement destiné aux ONG sportives ou sociales, et un mécénat quasi inexistant, beaucoup d’ONG doivent compter sur les bailleurs de fonds étrangers « comme d’autres institutions du pays », indique Amine Ghali. « La crise que traverse le pays depuis des années signifie que même l’État dépend des donateurs étrangers, même sur des questions de souveraineté nationale ».
Bien que la loi tunisienne sur les associations de 2011, reconnue internationalement comme un modèle, n’interdise pas le financement étranger, elle impose des restrictions strictes pour prévenir le financement d’activités terroristes. Ghali affirme que les réglementations existantes sont suffisantes. Cependant, ces dernières