Il y a quelque chose à dire sur le vieillissement gracieux dans la musique rock. Le groupe de punk rock qui a grandi en tant que groupe dont le découragement adolescent est devenu le cri de ralliement d’une génération de fans et d’acolytes peut rapidement s’essouffler. Dès qu’une étoile s’élève, les enjeux qui l’entourent se multiplient : un groupe fondé sur une liste anti-establishment peut-il maintenir son élan bien au-delà de son époque fondatrice, lorsque l’establishment lui-même devient le moteur de son succès continu ?
Pour Green Day, 30 ans après la sortie de son troisième album, « Dookie », la réponse est claire. Le groupe, qui a présenté hier soir sa tournée Saviors au SoFi Stadium de Los Angeles, a transposé la ferveur de sa jeunesse – pyrotechnie, sauts sur scène, énergie inébranlable – dans une salle aussi maximaliste que possible, des cinq niveaux de sièges à guichets fermés aux pass à 125 $ pour se garer sur le parking adjacent. Mais les natifs de Californie ont su exploiter avec aisance leurs débuts dans les clubs. En jouant l’intégralité de « Dookie » et « American Idiot », le premier sorti en 1994 et le second une décennie plus tard, ils ont joué avec intensité et une fidélité parfaite aux disques originaux avec une faim de vingtenaire, comme si le temps lui-même avait été figé, au moins pour une nuit.
Il faut mettre cela sur le compte du sens du spectacle des membres principaux du groupe, notamment le chanteur Billie Joe Armstrong, le bassiste Mike Dirnt et le batteur Tré Cool. Pendant deux heures et demie de jeu, ils ont joué avec brio chaque note, chaque chanson axée sur les refrains, avec précision et détermination. L’esprit qui a propulsé Green Day au-delà du grunge-rock qui a dominé le début des années 90 a imprégné toute la performance, des appels à chanter en chœur aux yeux changeants d’Armstrong, maquillés au mascara, entre les couplets, comme pour ponctuer les courants sauvages des morceaux eux-mêmes.
Malgré tout, la brutalité cinglante de « Dookie » ne s’est pas estompée avec le temps. Les méditations d’Armstrong sur la masturbation et le désespoir sont toujours aussi électrisées sur « Longview », tandis que les manifestations d’anxiété résonnent avec justesse sur « Basket Case ». Ces sentiments ont été accueillis avec enthousiasme au fur et à mesure que le groupe progressait dans l’album, le public étant ravi à chaque chanson. La foule, comme prévu, était composée en grande partie de millennials avides de recharges de batterie nostalgiques. Mais elle était également parsemée d’adolescents, certains assez jeunes pour être hissés sur les épaules de leurs parents portant des cache-oreilles antibruit.
Cet attrait intergénérationnel témoigne de la durabilité de leurs talents d’écriture et de performance. « Dookie » est arrivé avec des mélodies tranchantes et des chansons débordantes de refrains. Et quand ils sont passés à « American Idiot », après que Tré se soit pavané sur scène dans une robe léopard en chantant « All By Myself » et que le groupe ait déchiqueté « Brain Stew » et « Know Your Enemy » avec un fan sur scène, le lien entre les époques a résonné comme si une décennie ne les avait pas séparés. Chaque disque porte une sensibilité pop-rock qui est spécifique à Green Day – même la mièvrerie de « Wake Me Up When September Ends » et « Boulevard of Broken Dreams » semblait relative aux accords grattés rapidement de leurs tubes les plus effrontés.
Rien de ce spectacle ne serait aussi effervescent sans Armstrong, qui à 52 ans est toujours aussi viril et agile. C’était une leçon d’humilité de voir le niveau de vivacité qu’il a conservé. Il a dominé le public sans transpirer ; sa voix était toujours aussi nasillarde et fine, et sa beauté juvénile est restée intacte. Voler sur scène avec une telle étincelle, plus de trois décennies après le début de sa carrière, a été une leçon non seulement de détermination, mais aussi de maintien.
Le Saviors Tour aurait pu être un spectacle nostalgique, et c’était le cas à bien des égards, depuis les premiers sets de Rancid et Smashing Pumpkins jusqu’à un set en tête d’affiche entièrement composé d’albums célébrant des événements marquants datant de dix ans. Mais Green Day n’a rien perdu de ce qui a fait du groupe une force si durable. Au contraire, c’est un rappel que l’art de qualité peut devenir une marchandise au fil du temps (ce ne sont pas les petits concerts en club) mais qu’il continue à trouver son public, lorsqu’il est traité avec un professionnalisme de haut niveau, peu importe l’heure ou le lieu.