John Turley-Ewart : Le report de Bâle III par l’OSFI n’est pas suffisant, alors que les États-Unis et l’Europe avancent
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Vendredi après-midi, alors que de nombreux Canadiens étaient perdus dans leurs pensées du week-end ou déjà en route vers le chalet, l’organisme de réglementation bancaire du Canada — le Bureau du surintendant des institutions financières — a annoncé qu’il retarderait d’un an la mise en œuvre des derniers éléments de l’accord de Bâle III.
Contrairement aux États-Unis, à l’Union européenne et au Royaume-Uni – des pays qui ont tous connu d’importantes faillites bancaires lors de la crise financière de 2007-2008 –, le Canada a été le premier pays à mettre en œuvre Bâle III, au prix de centaines de millions de dollars pour les banques canadiennes, bien qu’il soit le seul pays à s’être distingué pendant la crise par la stabilité de son système financier et le moins susceptible de bénéficier du changement.
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Rappelons que Bâle III est un accord élaboré par les banques centrales et les régulateurs bancaires de 28 pays à la suite de la crise financière et publié en 2010. Il définit de nouvelles règles communes en matière de fonds propres qui, en théorie, devraient permettre d’éviter une nouvelle catastrophe comme celle de 2007-2008. Les règles et les méthodologies qui les sous-tendent sont complexes : elles impliquent des investissements technologiques importants et des changements importants dans la manière dont nos banques mesurent, déclarent et gèrent les risques financiers.
Pour les Canadiens, ces changements imposent un cadre encore plus conservateur à nos banques à charte. Ils réduiront les prêts bancaires aux consommateurs et aux entreprises d’environ 9 % du PIB nominal. En bref, les changements apportés à Bâle III vont débancariser de nombreux Canadiens et entreprises, les obligeant à trouver du crédit auprès de sociétés de services financiers plus coûteuses et moins réglementées qui exercent leurs activités en dehors du secteur bancaire – ou à s’en passer complètement.
À l’heure où la Société canadienne d’hypothèques et de logement prévoit que plus de deux millions de prêts hypothécaires devront être renouvelés cette année et l’année prochaine, le retard du BSIF est une bonne nouvelle pour les consommateurs et pour les entreprises qui doivent composer avec une croissance économique faible, voire inexistante.
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Pourtant, la partie la plus intrigante du communiqué de presse du BSIF n’était pas le retard, mais cette affirmation : « Le 13 mai 2024, le Groupe des gouverneurs des banques centrales et des chefs des organismes de surveillance (GHOS), l’organe de surveillance du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (CBCB), a réaffirmé à l’unanimité son attente de mettre en œuvre tous les aspects du cadre de Bâle III de manière complète, cohérente et dès que possible. »
On peut se demander ce qui a été servi avec les canapés lors de la réunion du 13 mai qui a donné lieu à ce kumbaya de supervision autour de Bâle III. L’accord a été rédigé en 2010 et l’UE et les États-Unis se sont opposés par leurs actes à sa mise en œuvre, malgré les déclarations de façade des banquiers centraux et des superviseurs. Mais même ces déclarations de façade s’estompent.
Après la proposition de Bâle III par les régulateurs américains en juillet dernier, 97 % des commentaires officiels des banques, des entreprises et des parties prenantes américaines s’y sont opposés. Jerome Powell, le directeur de la Réserve fédérale américaine, a déclaré que cette opposition était « sans précédent ». Mais ce n’est pas tout. En mars de cette année, il a déclaré aux membres du Congrès : « Nous entendons les inquiétudes et je m’attends à ce que la proposition soit largement modifiée. »
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Powell n’a pas exagéré. Mardi, il a confirmé devant la commission bancaire du Sénat américain que les « changements importants et importants » apportés à Bâle III étaient presque terminés et qu’il comptait « publier une proposition révisée pour commentaires pendant un certain temps ». En clair, la version américaine édulcorée des règles de Bâle III fera l’objet d’une année supplémentaire de révision avant que les réglementations définitives ne soient arrêtées et mises en œuvre – à une date lointaine.
Et pourquoi ces changements ? Parce que l’impact sur l’économie américaine au moment où les règles de Bâle III sont rédigées est tout simplement inacceptable pour les entreprises américaines et le grand public. Même certains responsables américains de premier plan au sein du conseil d’administration de la Réserve fédérale, Michelle Bowman et Christopher Waller, ont voté contre la mise en œuvre de Bâle III parce que cela porterait préjudice aux emprunteurs.
Il s’agit des mêmes règles que le BSIF et la Banque du Canada souhaitent que les banques canadiennes respectent.
Le fait que Bâle III en soit arrivé à ce point n’est pas une surprise pour l’historien. Les changements réglementaires réussissent quand le fer est chaud. L’inspection des banques par le gouvernement canadien a été évoquée pour la première fois en 1880 et a été discutée avec plus ou moins d’enthousiasme jusqu’à la faillite de la Home Bank of Canada en 1923. En moins d’un an, une loi a été adoptée et en 1925, l’inspection des banques par le gouvernement a finalement été instaurée au Canada.
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Ce qui est surprenant, c’est l’attitude optimiste du BSIF à l’égard de Bâle III. Tout aussi surprenant est le manque apparent d’intérêt du ministère des Finances du Canada pour la mise en œuvre de ce changement, qui a des répercussions économiques importantes pour le pays. Il est également inquiétant de constater que les banques canadiennes ne parviennent pas à lutter efficacement contre un ensemble de règles de fonds propres qui nuiront clairement aux Canadiens. Le temps des plaidoyers polis en coulisses est révolu.
Bâle III a été rédigé alors que la crise financière de 2007-2008 était encore présente dans les esprits. Quatorze ans plus tard, les États-Unis ont mis en œuvre leur propre réponse à la crise (loi Dodd-Frank) et il est évident pour l’observateur honnête que les États-Unis modifieront substantiellement Bâle III pour l’adapter à leurs besoins actuels ou l’abandonneront complètement – une réalité probable si l’ancien président américain Donald Trump est réélu en novembre prochain.
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John Turley-Ewart est consultant en conformité réglementaire et historien bancaire canadien.
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