mardi, avril 1, 2025

23andme en faillite : que va devenir l’ADN de millions d’utilisateurs ?

Rupert Murdoch et d’autres célébrités ont assisté à une soirée à New York en 2008, où les invités ont collecté leur salive pour promouvoir 23andme, une entreprise de tests génétiques. Bien que valorisée à plusieurs milliards, 23andme a récemment déclaré faillite, soulevant des inquiétudes concernant la sécurité des données des clients. Les tests identifient des variations génétiques, mais leur utilité est limitée, car les maladies sont souvent causées par des interactions complexes de plusieurs SNP et facteurs de vie.

Rupert Murdoch a fait sensation lors d’une soirée glamour, accompagné de sa femme, tout comme le célèbre comédien Chevy Chase et Sergey Brin, co-fondateur de Google, avec son épouse, l’entrepreneuse Anne Wojcicki. Des événements de ce genre à New York, en septembre 2008, ne sont pas rares, mais celui-ci était particulièrement mémorable en raison de son thème peu commun : la salive. Les invités de cette « spit party » ont reçu des tubes en plastique pour y recueillir quelques millilitres de leur salive, un défi pour certains, comme le rapportait le « New York Times », notamment pour ceux souffrant de bouche sèche.

Cette initiative ludique était en réalité une stratégie de communication pour 23andme, une société spécialisée dans les tests génétiques, fondée deux ans plus tôt, en partie par Wojcicki. L’objectif de ces tests est d’aider les utilisateurs à découvrir leurs ascendants et à évaluer leurs risques de santé.

Lancée en 2006, cette start-up avait atteint une valorisation de plusieurs milliards de dollars lors de son introduction en bourse en 2021, mais a connu une chute vertigineuse, se retrouvant maintenant parmi les actions à bas prix. Une des raisons de ce déclin est que, pour un utilisateur, un seul test génétique suffit généralement dans une vie. Après un engouement initial, le marché a rapidement été saturé.

Récemment, 23andme a annoncé sa faillite aux États-Unis, suscitant des préoccupations non seulement chez les investisseurs, mais également parmi les 15 millions de clients dans le monde. Beaucoup s’interrogent maintenant sur le sort de leurs données génétiques stockées chez 23andme, qui font désormais partie de la masse en faillite. L’incertitude demeure quant à la protection de ces données, à la lumière des règles de confidentialité originelles de l’entreprise.

Que propose 23andme et quelles données sont collectées ?

Le nom 23andme fait référence aux 23 paires de chromosomes présentes dans chaque cellule humaine. L’entreprise recueille des informations génétiques à partir des cellules de la muqueuse buccale contenues dans la salive. Leur analyse se concentre principalement sur les « polymorphismes nucléotidiques uniques », ou SNP. Bien que plus de 99 % de l’ADN humain soit identique, des variations existent dans certaines séquences.

Chaque combinaison de SNP est unique, semblable à une empreinte digitale, et se transmet aux générations suivantes, permettant ainsi de déduire des informations sur l’origine génétique. Collectivement, ces SNP influencent nos caractéristiques, allant de la couleur des cheveux à la prédisposition à des maladies comme le diabète ou la maladie d’Alzheimer.

Cependant, bien que la science ait déjà identifié plus de douze millions de SNP dans le génome humain, 23andme ne se concentre que sur un échantillon relativement limité de plusieurs centaines de milliers de variantes génétiques.

La portée informative des tests génétiques pour l’individu

« Pour les évaluations de santé, 23andme semble identifier de nombreuses variantes génétiques liées à des maladies », explique Judith Fischer, professeure de génétique humaine à Fribourg, en Allemagne. Par exemple, des variantes dans le gène BRCA, connues pour être associées à un risque accru de cancer du sein, ont été mises en avant. L’actrice Angelina Jolie a d’ailleurs choisi de subir une mastectomie préventive en 2013 pour cette raison.

Cependant, Fischer souligne une limitation majeure des tests : « 23andme ne teste que 44 variantes spécifiques des gènes BRCA. Nous savons qu’il existe des milliers de SNP qui influencent le risque de cancer du sein. » Cela signifie qu’il y a un risque élevé de faux-négatifs dans les résultats.

Les maladies sont rarement causées par un seul gène

Les variantes génétiques des gènes BRCA représentent une catégorie rare de variantes associées à des maladies spécifiques. « Depuis deux décennies, les chercheurs tentent d’identifier des SNP liés à des maladies courantes comme le diabète de type II ou l’hypertension », indique Sven Cichon, responsable de la génétique médicale à l’hôpital universitaire de Bâle. « Cependant, l’impact de chaque SNP sur le risque est généralement faible, et c’est souvent la combinaison de plusieurs SNP avec des facteurs de style de vie qui entraîne l’apparition de la maladie. »

En réalité, les rapports de santé fournis par 23andme ne parlent souvent que d’une légère augmentation du risque de quelques pourcentages, une information que les clients peuvent avoir du mal à exploiter de manière significative.

L’importance des données de 23andme pour la recherche

Pour la recherche, les données de 23andme deviennent précieuses grâce aux informations personnelles fournies au moment de l’inscription et lors des interactions ultérieures. Environ 80 % des clients participent à un programme de recherche volontaire, répondant à plus de mille questions sur leurs antécédents médicaux, allant de la perte de cheveux aux antécédents familiaux de cancer.

Ces millions de jeux de données, associés aux profils SNP, constituent une ressource bien plus vaste que celle disponible dans des projets financés par l’État comme UK Biobank ou Finngen. « Ces informations sont un atout précieux pour la recherche, notamment pour le développement de médicaments », affirme Judith Fischer. En effet, la recherche interne et les collaborations avec des entreprises pharmaceutiques devraient constituer un pilier économique pour 23andme. À ce jour, près de 300 publications scientifiques ont été basées sur ces données clients. Cependant, le programme de recherche sur le cancer de l’entreprise a été suspendu en 2024, en raison d’un manque de rentabilité.

Avec la faillite de l’entreprise, ces précieuses données deviennent également partie intégrante de la masse en faillite, suscitant des inquiétudes parmi les défenseurs de la vie privée.

- Advertisement -

Latest